Vendredi soir, à St Pierre de La Réunion, en ouverture du 16ème Sakifo, le « maloya man original » Olivier Araste et sa bande d’invités ont fêté, sur la grande scène, leur 20 ans de carrière d’une bien « zoli manyer ».
Crédit photos : Sakifo
C’est à la Cité des Arts de St Denis que nous retrouvons la joyeuse troupe de « Lindigo Connexion », un projet né depuis un bout de temps déjà dans la tête d’Olivier Araste et qui attendait la bonne occasion pour se concrétiser. Celle-ci est toute trouvée et le festival Sakifo ne s’y est pas trompé : en cette année 2019, Lindigo fête ses 20 ans de scène. 20 ans d’un maloya festif et aventureux, prêt à tous les métissages. Reflet des collaborations effectuées par le groupe ces dix dernières années, la liste des artistes réunis en témoigne : l’accordéoniste Fixi (réalisateurs de deux de leurs albums), Jori Collignon et Gino Bombrini du groupe electro-world Skip&Die (aux manettes de l’album Komsa Gayar de Lindigo) mais aussi René Lacaille, légende la musique réunionnaise, Pongo, la nouvelle diva du kuduro ou encore Yarol Poupaud, guitariste, entre autres, de FFF.
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Après deux jours de répétitions à Paris, la résidence de création se poursuit donc au « péi » (au pays, pour les non créolophones). Le premier arrivé est l’accordéoniste René Lacaille. Originaire de St Leu, le « tonton » vit désormais à Marmande, dans le sud-ouest de la France : « C’est la 1ère fois qu’un groupe réunionnais m’invite à jouer au pays et c’est un grand honneur pour moi car Lindigo c’est comme la famille. Quand je suis chez à eux à Paniandy (un quartier malgache de Bras-Panon, dans l’est de l’île Ndlr), avec les enfants, c’est comme la kaz lontan. Il n’y a pas besoin de se forcer pour faire quoi que ce soit. Je fais comme d’habitude, eux pareil et ça roule, c’est super ! Et en plus il y a Fixi. En France, on se fait des bouffes on s’appelle souvent, il m’envoie du miel ! »
Voilà justement Fixi, le directeur artistique du projet qui arrive, chapeau vissé sur la tête. On ignorait qu’il faisait du miel mais on lui fait remarquer qu’en ce début de matinée l’excitation est palpable et que sa « Lindigo Connexion » ressemble bel et bien a une ruche : « effectivement, une ruche c’est une symphonie, c’est entre 30 et 60 000 abeilles qui travaillent ensemble. Il y a un lien très fort entre elles. Quand on fait de la musique c’est un peu pareil, on essaye de créer un lien. Nous il existe déjà parce qu’il y a plein de choses qui nous rassemblent. Mais à chaque fois qu’on se retrouve, il faut remettre ce bourdonnement général en ordre (rires) ».
Fixi et Lindigo c’est une complicité de longue date démarrée sur l’album Maloya Power (2012) et poursuivie sur Milé sèk milé (2014). Dans l’histoire du groupe, Fixi c’est l’homme des rencontres, notamment avec Yarol Poupaud (présent sur l’album Komsa gayar) et aujourd’hui Pongo (que l’on retrouve sur Big Brothers, son dernier album avec Winston Mc Anuff). L’homme, surtout, de l’ouverture au monde : « On s’est retrouvés avec Olivier car c’est un homme moderne avec ses traditions. Il m’a fait confiance pour emmener le maloya de Lindigo vers quelque chose de plus contemporain sans en perdre l’essence, pour garder l’énergie brut de la musique originelle tout en la faisant évoluer.»
Et puis, au delà de Lindigo, entre Fixi et les musiques réunionnaises il y a eu, selon son aveu, un véritable « coup de foudre » : « La Réunion c’est un pays de musique. C’est super important pou eux. La musique leur permet de s’exprimer, de partir en transe, de se retrouver, de fêter. Dans les voitures, ils ont souvent de gros sound system et chez eux ils aiment l’écouter fort. Ça me fait penser un peu à la Jamaïque (où Fixi s’est rendu à plusieurs reprises ces dernières années Ndlr). En tant que musicien c’est super touchant car on sait qu’on a une place particulière. Et puis le maloya c’est une musique qui est relié aux ancêtres, à l’énergie, à la terre et c’est quelque chose que j’ai toujours cherché à développer en métropole parce que je pense que c’est quelque chose qu’on a en grande partie perdu. Du coup, être à La Réunion, c’est une manière de refaire la connexion entre la tradition, le côté moderne et le rôle social de la musique. C’est pour cette raison que je compare ma relation aux musiques réunionnaises à une relation amoureuse : ça a touché des points sensibles chez moi, c’est un peu comme quand les pièces d’un puzzle s’assemblent. »
Alors que Yarol Poupaud, Jori Collignon et Gino Bombrini sont déjà installés, prêts à répéter, Olivier Araste fait son entrée. Tout sourire, il confie : « 20 ans comme mon ventre il est rond, c’est important : il y a eu des hauts et des bas, des pleurs et des cris de joie et quand tu fêtes ça, ça rassemble toutes ces émotions. Je suis comme un marmaille (un enfant, en créole) devant le sapin, j’ai hâte d’ouvrir mon cadeau ! »
Cet anniversaire, Olivier Araste l’a imaginé comme un zambrocal (plat de riz épicé que l’on trouve comme accompagnement ou comme plat principal, parfois utilisé comme emblème de la société réunionnaise, chaque aliment gardant son goût tout en étant mêlé aux autres dans la marmite) : « Chacun des invités vient rajouter son épice dans ma cuisine. Nous on vient avec notre maloya traditionnel entouré d’amis qui l’amplifient de bon cœur et dans un bon état d’esprit. C’est le meilleur cadeau, un cadeau d’amitié. »
Au menu donc, des morceaux de Lindigo revisités et un titre de chaque artiste invité à la sauce Lindigo : « Chacun vient comme il est, avec son univers, avec sa personnalité et on va faire quelque chose avec. C’est pas : tu mets une chemise à fleurs et tu viens. Non, tu viens comme tu es et c’est ça qui va faire l’âme de « Lindigo Connexion ». René Lacaille, par exemple, va jouer son morceau « Ti Cordeon ». Je me suis offert mon cadeau, c’est mon kif ! C’est notre tonton, comme notre parrain. De l’avoir avec nous sur scène, c’est un honneur. C’est le pilier. Nous on est là, on est autour. »
Discrète mais pourtant essentielle au sein de Lindigo, Laurianne, la compagne d’Olivier à la ville comme à la scène (choeur et kayamb) nous a rejoints. Impossible pour elle de ne retenir qu’un seul souvenir en 20 ans de carrière : « Plus qu’un souvenir c’est tous les publics qu’on a réussi à toucher au cours de tous ces voyages. C’est ça qui m’émeut le plus. »
Pour remercier le public qui le suit dès le début, Lindigo prévoit d’ailleurs de sortir d’ici la fin de l’année un nouvel album « 100% traditionnel » : « On l’a enregistré dans la cuisine, au bord de la rivière, dans les champs de cannes et dans la cours de la kaz. En live, one shot, avec nos enfants et toute notre famille mais aussi nos poules, nos chiens, nos chats. C’est intime. C’est vraiment Lindigo à terre, terre à terre », précise Olivier.
Vendredi soir, le public était bien bel et bien au rendez-vous au « Salahin », la plus grande des scènes du Sakifo où Lindigo – qui a déjà joué plusieurs fois au festival – se produisait pour la 1ère fois. Après « Bondie Anou » et « Afrikindmada », l’équipe Lindigo est rejoint par une partie de ses invités et le constat est clair, la sauce prend : Yarol Poupaud troque sa guitare pour le kayamb et fait, selon le terme d’Oliver, du « Maloyarol ». Olivier, René et Fixi se retrouvent à l’accordéon et, moment de grâce, René Lacaille, en solo, nous gratifie d’un « Rest’ la maloya » d’Alain Peters avec pour seul choeur, celui de la foule. On a dansé, chanté. On a été ému aussi de voir le chemin parcouru. Celui d’un groupe parfois décrié et qui réunit aujourd’hui toutes les générations et communautés réunionnaises. Et quand la fête s’est terminée sous les ovations, on a souri en pensant à ce que nous avait confié deux jours plus tôt Olivier : « Comme tous les amis qu’on a côtoyés tout au long de notre carrière ne sont pas là cette année, il va falloir qu’on fasse un « Maloya Connexion 2 » !
Nou s’ra la ! (nous serons là, s’il était besoin de le préciser).
En attendant, retrouvez « Lindigo Connexion » en concert :
14.06.2019 à Lorient / Le Manège
19.06.2019 à Villeurbanne / Les Invites de Villeurbanne
21.06.2019 à Toulouse / Fête de la musique
22.06.2019 St Gratien / Festival Un monde… des cultures
21.07.2019 à Carhaix / Les Vieilles Charrues